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Source : Atelier pépinières urbaines, EUP 2020

... Au "co-urbanismes"

Ce nouveau mot de co-urbanismes nous a interpellés par sa pertinence et nous avons alors tenté de nous l’approprier au regard de notre analyse par la pratique. En effet, bien que notre travail de recherche nous ait permis de comprendre les enjeux globaux de ce type d’interventions urbaines, la littérature aborde peu le contexte des Suds et elle nous conditionne aussi à une vision depuis les Nords. Afin de comprendre comment se matérialisent ces concepts dans les Suds et de se détacher des concepts nords très présents dans la littérature, la deuxième partie de notre travail consiste à aborder le sujet par la pratique plutôt que par la littérature grise et académique. Finalement, c'est cette double entrée, par la littérature et par les projets, qui nous a permis de définir les co-urbanismes comme une fabrique de la ville répondant aux quatre critères suivants : 

 

  • Participation citoyenne : une coordination et une collaboration active entre les citadins et les différents professionnels de la ville. 

  • Temporalité : ce sont des “actions à court terme pour un changement à long terme” (Lydon, 2012).

  • Se réapproprier le foncier : les espaces choisis sont théoriquement accessibles mais ils nécessitent que l’on donne aux usagers le pouvoir de se les approprier.

  • Permettre l’expérimentation : laisser place à l’innovation dans l’espace urbain. 

 

Cette définition peut rejoindre et englober le concept de “permis de faire” de Patrick Bouchain. Selon lui, le chantier peut être une forme de démocratie participative, au sens pratique et non hiérarchisé, où les acteurs se réunissent autour d’un objet concret et réapprennent ensemble à articuler les choses entre elles d’une nouvelle façon. 

 

Dans une vision Suds, l’urbanisme n’a pas attendu qu’on lui attribue un terme académique puisque c’est une pratique habitante du quotidien, c’est de l’urbanisme tactique qui n’en a pas le nom. Les co-urbanismes dans les Suds relèvent donc principalement d’une alternative à la planification urbaine étatique, souvent défaillante, et ce dans un contexte de manque de moyens financiers. Sa spécificité est donc de s’appuyer sur la participation active des citoyens pour co-produire des projets dont la mise en œuvre est rapide mais dont la vocation s’inscrit dans le long terme (pérennisation, récupération, réappropriation, etc.). Cette démarche est toujours marquée par une volonté de se réapproprier la ville

 

D’ailleurs, s’ils semblent majoritairement se concentrer sur les espaces publics, ces projets prennent place dans des lieux à la nature diverse : dans des espaces publics et notamment la rue (projets en Amérique Latine ou au Liban), dans des espaces en transition (cf. projet Corée du Sud) ou dans des espaces interstitiels mais publics (cf. projet Istanbul). Le co-urbanisme prend donc corps dans un espace théoriquement accessible à tous mais doit se saisir du foncier pour rendre cette accessibilité aux usagers. A noter que selon le pays concerné, cette forme d’urbanisme peut être plus ou moins encadrée, soit “par le bas” (société civile, ONG, société privée locale), soit “par le haut” (acteurs publics locaux, société privée locale, acteurs internationaux). 

Lorsque la puissance publique encadre ce type de projet, l’exemple des PCMB à Mexico nous le montre, la prise de décision est volontairement partagée, voire reléguée à des assemblées d’habitants (ou “groupes communautaires”). La puissance publique n’a donc plus que le rôle d’accompagnateur de la décision et de la mise en œuvre. En revanche, si cette politique consiste à “aider les pauvres à s’aider eux-mêmes” (Davis, 2010), il faut veiller à ce qu’elle ne devienne pas un prétexte à "l’abandon de l’Etat et des gouvernements locaux de leur rôle d’intervention et de soutien” (Davis, 2010). Par exemple, en utilisant cette participation active des citoyens comme moyen de réduire le budget accordé au secteur du logement.  

 

Dans une vision Nord, les co-urbanismes regroupent les notions d’urbanisme transitoire et temporaire, comme évoqué précédemment. Ils sont rarement le fait de la commande publique et semblent être principalement initiés par des collectifs (des professionnels) qui sont porteurs de projets et qui vont démarcher les bailleurs, la communauté d’agglomération ou la ville dans le but d’établir un partenariat. A cela s’ajoute un travail de sensibilisation et de pédagogie auprès des élus pour faire comprendre la plus value que peut apporter une coproduction citoyenne dans un projet. De plus, ces formes d’urbanisme impulsent une réappropriation des espaces publics, vacants et interstitiels par les usagers. Enfin, cette nouvelle façon d’envisager l’aménagement est itérative, en dissociant les phases de premier chantier et de second chantier. Le premier correspond à la programmation des aménagements structurants par des experts de la ville (architectes, urbanistes, bureaux d’étude). Le second désigne l’apport des collectifs à ce premier chantier car ceux-ci travaillent le lien avec les associations et les habitants pour affiner la programmation de façon itérative. Ce second travail va même jusqu’à l’encadrement de chantiers participatifs pour l'élaboration de micro-projets d’aménagement. Le co-urbanismes dans les Nords n’est donc pas que le fruit de pratiques alternatives venant du bas

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